EXIGIBILITÉ DES LOYERS ET COVID-19

Les moyens de droit soulevés par les preneurs pour s’opposer, dans les faits, au paiement des loyers dont l’exigibilité – voire l’existence même –  est contestée du fait des mesures gouvernementales prises en période de pandémie de la COVID-19 sont nombreux ; l’actualité jurisprudentielle depuis maintenant une douzaine de mois fourmille de diverses décisions rendues sur la bonne foi, l’imprévision, l’obligation de délivrance ou encore la perte de la chose louée dont la reconnaissance entraine l’absence d’exigibilité des loyers sur la période considérée.

C’est dans le cadre de cette dernière hypothèse qu’il convient de s’attarder un instant, notamment sur l’hypothèse d’une perte « juridique » de la chose louée.

A.   LA RECONNAISSE DE LA PERTE  « JURIDIQUE » DE LA CHOSE LOUEE ANTE COVID-19

La jurisprudence considère depuis longtemps que la perte totale ou partielle, par cas fortuit, ne doit pas être considérée uniquement sous l’angle d’une perte « matérielle », mais doit également être retenue dans l’hypothèse d’une perte « juridique » de la chose louée.

En effet, on soulignera à cet égard :

a ) Les événements qui mettent un obstacle absolu à l’utilisation des lieux loués selon la destination qui leur avait été donnée dans le contrat de bail, doivent être assimilés à la perte totale de la chose entraînant résiliation du bail. Il en est ainsi lorsque l’usage convenu est juridiquement interdit[1]

b ) Constitue un cas fortuit ou de force majeure l’intervention d’un arrêté municipal qui met le locataire d’une palissade d’affichage dans l’impossibilité temporaire d’utiliser cette palissade : les juges du fond peuvent décider qu’en vertu de l’article 1722 du Code civil le locataire est en droit d’exiger du bailleur le remboursement d’une partie du prix de location[2];

c ) Sur l’impossibilité d’utiliser les locaux donnés à bail à une société de transport routier, suite à un arrêté municipal interdisant la circulation des véhicules de plus de 19 tonnes sur la voie communale permettant d’accéder aux locaux loués[3]

Il est donc constant que la perte de la chose louée peut résulter de l’impossibilité juridique d’exercer dans lieux donnés à bail ; cette constance jurisprudentielle est cependant remise en cause par certaines juridictions dans le cadre des décisions prises par l’Etat en période de pandémie.

B.   LA PERTE DE LA CHOSE LOUÉE DANS LE CADRE DE LA COVID-19

Plusieurs décisions contradictoires ont été rendues ces derniers mois en matière de perte de la chose louée du fait de l’impossibilité d’exercer dans les lieux donnés à bail en raison des mesures prises par l’Etat.

1/           Juge des référés :

Si, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a d’abord jugé que « le contexte sanitaire, ne saurait, en lui-même, caractériser la perte de la chose louée »[4], les Cours d’appel de Paris et Versailles, statuant en matière de référé, ont pu juger quant à elles, qu’il n’était pas possible, avec l’évidence requise en référé, d’écarter les dispositions relatives à la perte de la chose louée[5].

A noter que la Cour d’appel de Lyon, statuant en matière de référé, a écarté purement et simplement les dispositions relatives à la perte de la chose louée au motif que l’impossibilité d’exploiter ne pouvait être assimilée à une « destruction », excluant par la même la perte « juridique »[6].

2/           Juge de l’exécution :

Le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a rappelé que « l’impossibilité juridique, survenue en cours de bail, résultant d’une décision des pouvoirs publics, d’exploiter les lieux loués est assimilable à la situation envisagée »[7]

3/           Juge du fond :

A notre connaissance, deux décisions ont été rendues au fond :

a ) Le tribunal judiciaire de La Rochelle a fait droit à la demande du preneur présentée sur le fondement de la perte de la chose louée rappelant qu’elle pouvait être matérielle ou juridique[8];

b ) La Cour d’appel de Versailles a, au contraire, jugé qu’ «  il n’est pas contesté qu’en l’espèce le bien loué n’est détruit ni partiellement ni totalement ; il n’est pas davantage allégué qu’il souffrirait d’une non-conformité, l’impossibilité d’exploiter du fait de l’état d’urgence sanitaire s’expliquant par l’activité économique qui y est développée et non par les locaux, soit la chose louée en elle-même. L’impossibilité d’exploiter durant l’état d’urgence sanitaire est de plus limitée dans le temps, ce que ne prévoit pas l’article 1722 du code civil, lequel ne saurait être appliqué en l’espèce»[9]

Cet arrêt est surprenant à deux égard : d’abord il nie la possibilité d’une perte juridique de la chose louée, pourtant communément admise depuis une cinquantaine d’années ; enfin, il ajoute une condition à la loi en exigeant que la perte partielle ou totale soit définitive et non temporaire alors que le texte ne le prévoit pas et que cette hypothèse est admise depuis un arrêt de la 1ère chambre civile de 1965..

Il faudra donc attendre encore quelques arrêts d’appel, si ce n’est la cour de cassation elle-même, pour confirmer, ou revenir, sur une jurisprudence qui semblait bien établie.

Affaire à suivre.

[1] Com. 19 juin 1962

[2] Civ. 1ère 29 novembre 1965

[3] CA Dijon, 2e ch. sect. B, 29 sept. 2009

[4] TJ Paris, 26 octobre 2020

[5] CA Versailles, 4 mars 2021 ; CA Paris, 12 mai 2021

[6] CA Lyon, 31 mars 2021

[7] TJ Paris, JEX, 20 janvier 2021

[8] TJ La Rochelle, 23 mars 2021

[9] CA Versailles, 6 mai 2021

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